dimanche 8 novembre 2015
Une grenouille dans une casserole.
Après l'opération de Papa, la tension nerveuse est retombée, l'adrénaline aussi, en copine fidèle, et c'est là que j'ai commencé à perdre les pédales.
Les années précédentes étaient passées sans spécialement me faire de cadeaux, entre mes deux fausses-couches (je hais ce mot, d'ailleurs, la médecine ne donne pas le droit d'utiliser le terme de bébé, mais la douleur qu'on ressent n'est pas liées à la perte d'un foetus, d'un paquet de cellules comme on veut nous le faire croire : depuis la seconde où on apprend qu'on est enceinte, on se projette, on voit déjà des petits pieds, des petites mains....Je le revendique, et je plains le connard qui viendra essayer de me prouver le contraire, j'ai perdu deux bébés.), la bataille juridique pour obtenir la garde des pépettes afin de les sortir de l'enfer, l'acharnement de leur mère à mon égard, bref, l'orage n'avait pas seulement frappé Papa, il m'avait mis à terre aussi.
Je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite, c'est malin, la dépression, ça cherche la faille, ça attend le moment propice, ça vous guette, dans un petit coin, et puis boom, ça vous tombe dessus, mais légèrement au début, histoire que vous ne la chassiez pas tout de suite.
Vous-a t'on déjà raconté l'histoire des grenouilles?
Il parait (je ne suis pas cruelle, je n'ai pas vérifié) que si vous plongez une grenouille dans une casserole d'eau bouillante, elle sautera d'instinct pour se sauver d'une mort certaine. Par contre, si vous la mettez dans une casserole d'eau froide que vous placez ensuite sur le feu, elle se laissera mourir à mesure que la température augmente.
Je me suis donc retrouvée dans une casserole d'eau froide, comme toute grenouille qui se respecte.
Et puis un après-midi, alors que j'étais en train de faire du rangement, c'est mon mari qui a compris : j'étais assise "juste une minute" au bord du lit, une pile de linge sur les genoux en train de replier un tee-shirt....et il m'a retrouvé exactement dans la même position, deux heures plus tard, les yeux dans le vide, à fixer un point de la bibliothèque.
Mon médecin, connaissant les détails des années qui venaient de passer conclut d'un "c'est même surprenant que ça ne soit pas arrivé avant" après m'avoir prescrit les "médicaments de la honte", comme je les appelais à l'époque...et comme je le pense encore un peu, même maintenant.
Ce n'est pas un choix.
Je ne me suis pas réveillée un matin en me disant, tiens, aujourd'hui, je vais me lancer dans la dépression, c'est à la mode.
Je pense toutefois qu'il y a des situations qu'on peut éviter, si vous vous trouvez en ce moment dans un moment difficile mais dont vous connaissez une porte de secours, prenez vos jambes à votre cou!
Pour ma part, je n'ai pas choisi ce qui m'est tombé dessus et je n'avais malheureusement aucun moyen de l'éviter, j'ai subi de A à Z une situation dont je ne suis pas l'actrice.
Mon médecin m'a expliqué que c'est comme si la quille d'un bateau était touchée : on ne peut pas garder l'équilibre et rester à flot.
L'erreur serait de penser que le bateau n'aurait pas dû prendre la mer, que c'était plus sûr : c'est faux, on ne peut pas arrêter de vivre pour ne pas souffrir. On peut choisir le moment où l'on prend le large, l'endroit où on navigue aussi : si vous vous lancez contre un récif en pleine tempête, ne comptez pas sur ma compassion, mais si vous partez par temps clair, sur une mer calme et que vous êtes touché par la foudre ou attaqué par des pirates, alors je vous comprends et nous sommes...sur le même bateau.
Ce que je ne savais pas encore, c'est que c'était simplement le début de mon voyage...coquille de noix sur une mer déchaînée.
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Ca me fait plaisir, plaisir, plaisir de vous relire !!
RépondreSupprimerémouvant, touchant ... (et toucher un coeur de pierre comme le mien ... hé bien il en faut du talent ^_^ )
Merci, merci merci et MERCI...
Délicatement,
L.